Ils souffrent mais gardent la tête haute. De mémoire de forestiers, jamais les chênes plusieurs fois centenaires de la forêt domaniale de Tronçais (Allier) — l'un des plus beaux massifs forestiers de France — dont les cimes culminent parfois à plus de 40 m, n'avaient dû supporter un tel épisode de sécheresse. « Habituellement, du printemps à l'été, qui correspond à la période de croissance des chênes, nous avons 600 mm d'eau. Depuis 2018, ces précipitations sont divisées par deux », témoigne Loïc Nicolas, responsable de l'unité territoriale de l'Office national des forêts (ONF) de Tronçais.
Ce manque de pluie observé n'est pas sans conséquences sur l'écosystème de cette forêt d'exception où cohabitent des chênes sessiles, des chênes pédonculés, des hêtres et des charmes sur un territoire de plus de 10000 ha. Il suffit de se promener en forêt de Tronçais en compagnie de Loïc Nicolas pour constater l'ampleur des dégâts : « Les hêtres, qui sont les meilleurs compagnons du chêne, sont ceux qui ont le plus souffert. » Cet été, nombre d'entre eux dont les troncs étaient complètement desséchés, ont été abattus. « Il y a de la mortalité partout. L'urgence a été de sécuriser les routes sachant que nous avions beaucoup de touristes. »
Son bois utilisé pour la fabrication des fûts de vin
Concernant les chênes les plus mal en point, dont les feuilles ont disparu de leurs cimes et les branches se sont brisées sous l'effet de la sécheresse, les forestiers de l'ONF se donnent du temps car « le chêne est un arbre plus résilient, combatif », justifie Loïc Nicolas. Il est néanmoins prévu qu'ils en abattent une quantité bien plus importante qu'à l'accoutumée d'ici la fin du mois. « Nous allons récolter les arbres de très haute qualité, dont certains ont entre 150 et 200 ans, afin de ne pas perdre le travail effectué par cinq à sept générations de forestiers. »
Car ce qui fait la réputation mondiale de la chênaie de Tronçais, c'est la qualité de son bois utilisé pour la fabrication des fûts de vin. Une qualité qui risque d'être dépréciée si certains spécimens, en situation de détresse, ne sont pas prélevés de leur milieu naturel. « C'est un crève-cœur de devoir couper des chênes de cette valeur, reconnaît Loïc Nicolas. Mais avec la sécheresse, un arbre de haute qualité que vous pouvez valoriser pour l'ébénisterie ou la tonnellerie peut finir sa vie en bois de chauffage s'il n'est pas coupé à temps. »
«7000 m3 de bois supplémentaires ont dû être coupés»
Une année normale à Tronçais, les forestiers collectent en moyenne 50000 m3 de bois dans le cadre du renouvellement de la forêt. Cette année, ce chiffre avoisinera plutôt les 60000 m3. « Il y a 7000 m3 de bois supplémentaires qui ont dû être coupés à cause de la sécheresse. »
En procédant à des opérations d'éclaircie dans l'environnement de certains chênes remarquables, comme le chêne Stebbing, —vieux de plus de 400 ans qui porte le nom d'un ancien professeur de l'école forestière d'Edimbourg (Ecosse) et figure parmi les plus beaux arbres du massif —, Loïc Nicolas espère encore offrir de longues années de vie à certains arbres d'exception qui furent plantés sous Colbert au XVIIe siècle pour construire des bateaux et doter la France d'une marine nationale. « Mais il ne faudrait pas que cette sécheresse exceptionnelle ne perdure trop longtemps. »
September 03, 2020 at 11:02AM
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Sécheresse : dans la forêt de Colbert, «un crève-cœur de couper des chênes de cette valeur» - Le Parisien
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