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En Amazonie, le rêve brisé d'une forêt durable - Le Monde

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Xapuri, Acre, Brazil, July 26, 2020: Planting rubber cultivation at the Cachoeira rubber plantation in Xapuri. Chico Mendes was a famous environmental activist at the end of the last century. Born and raised in the rubber plantations of Acre, Chico fought for extractivists, for the people of the forest. He was murdered in 1988 as if he were a hunting animal, crime mobilized the world. The death was ordered by a farmer in the region. With the postmortem mobilization, the Chico Mendes Reserve was created in the 1990s, a gigantic area of 970,570 hectares, housing 2,880 families in the municipalities of Xapuri, Brasiléia, Assis Brasil, Capixaba, Epitaciolândia, Rio Branco and Sena Madureira. The initial idea was to guarantee ownership so that these families could live sustainably, with products extracted from the forest. The children and grandchildren of the Chico Mendes generation are disillusioned with the environmental policies of the past. Nowadays the reserve loses forest and gains pasture for cattle. Now they live in Bolsonaro's Brazil, where livestock and consequently deforestation are stimulated by the government. It is the bankruptcy of the local extractive structure. Photo: Avener Prado

AVENER PRADO POUR « LE MONDE »

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Publié aujourd’hui à 02h36

Aujourd’hui, comme presque tous les jours de sa vie, « Bito » est allé « saigner » sa forêt. Levé dès 3 heures du matin, il a lavé à l’eau froide son visage boucané. Avalé une crêpe de tapioca et quelques bananes grillées. Pris son son sac, son seau, son couteau. Enfilé ses bottes. Ajusté soigneusement sa lampe frontale. Et s’est enfoncé entre les arbres. Seul, si seul, dans la grande nuit amazonienne.

Sous la canopée tropicale, Arleudo Morais Farias, de son nom complet, est une ombre parmi les ombres. Rapide et discret, à la manière du jaguar. D’ailleurs, cette jungle lui appartient tout autant qu’au félin. Il la connaît par cœur et la marque de sa trace : une griffure brune tachée de blanc, ondulant avec grâce jusqu’au sol humide le long du tronc de l’hévéa. La signature du seringueiro, l’ouvrier collecteur de latex d’Amazonie.

Arleudo Morais Farias, dit « Bito », 43 ans, saigneur d’hévéas, dans la réserve Chico Mendes, au Brésil, le 28 juillet.

La seringueira est le nom portugais de l’hévéa. Bito, 43 ans, en taille depuis qu’il est enfant. « J’ai tout appris avec mon père », glisse, entre deux saignées, ce résident de la réserve Chico Mendes, dans l’Etat brésilien de l’Acre. Chaque jour, ce sont une centaine d’arbres qu’il doit visiter, 15 kilomètres à parcourir sur des terrains accidentés, souvent dans l’obscurité, avec 20 kg à 40 kg de latex sur les épaules. Les rencontres avec les singes, les tapirs et les panthères sont fréquentes. « Et avec les serpents, c’est tous les jours ! », rigole Bito.

Le latex, cette sève grasse et blanche qu’on appelle ici « lait », s’écoule goutte à goutte dans de petits gobelets que l’ouvrier récolte. Ça paraît si simple. Mais l’hévéa, malgré ses 30 mètres de haut, est un géant fragile. Il faut l’écorcher avec soin : quelques millimètres à peine. « Davantage, on peut le blesser, et il peut même en mourir », explique Bito. C’est un geste délicat que celui du seringueiro. Un geste d’amour, dit-il. « Ces arbres font partie de ma famille, ils sont comme mes enfants », sourit l’homme de la forêt, du « lait » plein la barbe et les mains.

Arleudo Morais Farias, l’un des derniers taraudeurs de caoutchouc d’Amazonie, travaille dans la réserve Chico Mendes, au Brésil, le 28 juillet.

Le monde d’avant

« J’aime ça, j’aime cette vie solitaire, au milieu de la nature », poursuit-il à son retour, vers 15 heures, dans sa bicoque de bois sur pilotis du village d’Icuria. Pourtant, malgré les apparences, Bito est inquiet. Depuis quelques années déjà, les affaires vont mal. Son maigre revenu a chuté de près de moitié. Surtout, Bito a les traits marqués. Il fait plus que son âge. « Je suis fatigué, j’ai déjà le corps tout dur. » Son fils a 18 ans. Il sera médecin. « Je ne veux pas de cette vie pour lui », confesse Bito d’une voix blanche.

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August 26, 2020 at 07:36AM
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