Jean-Philippe Hell est de retour dans la forêt de son enfance (lire par ailleurs) mais le professionnel la voit évidemment d’un autre œil aujourd’hui. Surtout, il souligne que si le phénomène de la hausse des températures ne décélère pas dans les prochaines années, on risque fort de ne plus avoir la même forêt dans un siècle, sachant qu’un hêtre vit en moyenne entre 100 et 120 ans et un chêne jusqu’à 180 ans.
Le hêtre, arbre majoritaire et emblématique
Actuellement, le hêtre est majoritaire dans la forêt sundgauvienne car le sol et le climat sont très adaptés à cette essence, c’est l’arbre « naturel » du secteur. « Avant la grande tempête de 1999, c’était une essence très intéressante commercialement, après cette date, le chêne est devenu plus intéressant de ce point de vue, mais le hêtre se régénère plus facilement que le chêne, est plus dynamique, le chêne nécessite plus de travaux, plus de suivi et plus de lumière », pose le responsable de l’ONF (Office national des forêts).
L’objectif néanmoins « est d’avoir une forêt diversifiée en s’appuyant sur la régénération naturelle » mais le responsable de l’UT Sundgau ne cache pas les interrogations actuelles à l’ONF suite aux différentes années sèches que l’on a connues, 2016 et 2017 et surtout 2018. Le constat « n’est pas catastrophique » mais la vigilance est de mise pour maintenir une forêt mélangée, faite de hêtres, de chênes et de feuillus précieux, c’est-à-dire d’érable, de merisier, de tilleul, de frêne…
Frêne : des individus potentiellement tolérants à la chalarose…
Touché depuis 2010 par la chalarose, une maladie causée par un champignon microscopique, la gestion du dépérissement du frêne est l’un des enjeux de la forêt sundgauvienne. « Il est nécessaire de récolter les bois dépérissants au fur et à mesure de l’avancement de la maladie », explique Jean-Philippe Hell. « Un petit pourcentage est résistant à la maladie, c’est pourquoi on maintient tous ceux qui sont vigoureux, on conserve le gros voire les très gros bois. On récolte les bois lorsqu’ils présentent des signes forts de dépérissement, à la fois pour des raisons de sécurité et pour des raisons commerciales. On laisse se développer la régénération du frêne avec des individus potentiellement tolérants à la maladie », poursuit-il.
Le hêtre fragilisé par le réchauffement climatique
Le nouvel enjeu à gérer, beaucoup plus récent pour l’unité Sundgau, est le dépérissement du hêtre, essence qui a commencé à subir l’année dernière le contre-coup des sécheresses des années précédentes, 2018 ayant été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France. Les symptômes de stress hydrique observés sur les hêtres sont des mortalités de branches, la dégradation des cimes, la présence de suintements sur les troncs ou encore le rougissement-jaunissement des feuilles. Les hêtres sont récoltés avant qu’ils ne perdent de leur valeur et des replantations sont faites mais avec d’autres essences, parmi lesquelles notamment le chêne sessile. « On espère que parmi les milliers de semis de hêtre, l’un ou l’autre aura des caractéristiques génétiques plus tolérantes à la sécheresse, dans le cadre d’un réchauffement climatique modéré, autrement dit pas sur la courbe actuelle, sinon nous n’arriverons pas à les maintenir », alerte Jean-Philippe Hell.
Une attaque exceptionnelle de scolytes pour l’épicéa
Un troisième mal affecte encore la forêt sundgauvienne, c’est le dépérissement des épicéas dû aux attaques de scolytes, un petit coléoptère se nourrissant de bois situé sous l’écorce de l’arbre. Ces arbres sont minoritaires dans les forêts communales de l’unité Sundgau mais quelques communes en ont malgré tout beaucoup, tel Hirtzbach.
L'occasion de revoir la vidéo réalisée en 2019 dans la forêt de Hirtzbach
« A part couper les foyers de scolytes, il n’y a pas d’autre lutte envisageable, les traitements chimiques étant proscrits. Les attaques de ces insectes ont toujours existé mais l’année 2019 est exceptionnelle : des parcelles forestières ont été touchées de façon importante. De plus, le scolyte typographe et le scolyte chalchographe qui sont inféodés à l’épicéa s’attaquent aux arbres sains, contrairement à d’autres scolytes qui ne s’attaquent, par exemple pour le sapin, qu’à des arbres déjà dépérissants », explique le responsable forestier.
Des plans de gestion communaux chahutés
Dans ce contexte, que deviennent les plans communaux de gestion forestière établis sur vingt ans avec les prévisions de coupes annuelles dans les différentes parcelles ? « Ils sont globalement remis en cause », répond sans hésiter Jean-Philippe Hell. L’ONF prélève d’abord les arbres dépérissants mais aussi accidentés en raison des coups de vent plus nombreux que par le passé, telle la tempête Ciara début février dernier, dans les limites du volume prévu annuellement par les communes. A Hirtzbach, par exemple, 1 500 m3 de bois sont martelés (c’est-à-dire marqués en vue d’être coupés) mais ne sont pas exploités depuis trois ans… Si le volume d’arbres en mauvais état coupés est moindre que le volume prévu par la commune, des coupes « classiques » sont encore réalisées. Ces coupes de complément sont faites pour favoriser le chêne ou d’autres arbres feuillus précieux.
Depuis cinq ans environ, on assiste aussi à un changement de rythme dans les coupes : les hivers plus doux, avec plus de précipitations, moins de gel, empêchent de sortir le bois de la forêt comme cela se faisait habituellement en janvier, février et mars. Les sols se retrouveraient trop abîmés. Les coupes commencent donc plus tôt, « à la lune descendante de fin août » jusqu’à décembre, voire début janvier et le bois est récupéré à partir d’avril quand les engins peuvent de nouveau circuler sur des sols praticables.
La conséquence des coupes dictées par l’état des arbres : « les recettes provenant du bois sont évidemment moins importantes que celles générées par les coupes habituelles. Par exemple, les coupes d’épicéas n’ont pas vraiment de débouchés, on les vend en fonction des opportunités commerciales », souligne le responsable de l’unité Sundgau.
A noter qu’à raison de trois arbres à l’hectare, l’ONF garde également des bois à vocation biologique, des bois secs, à cavité, à fentes pour les chauves-souris ou d’intérêt patrimonial.
Un équilibre sylvo-cynégétique à retrouver
Un ultime enjeu non négligeable dans le cadre de la régénération des peuplements forestiers consiste pour Jean-Philippe Hell à restaurer l’équilibre sylvo-cynégétique, c’est à-dire à rendre compatibles, d’une part, la présence d’une faune sauvage riche et variée et, d’autre part, la pérennité et la rentabilité économique des activités sylvicoles. « Aujourd’hui, c’est compliqué, l’équilibre n’est pas atteint avec le chevreuil et le sanglier, c’est pourquoi je suis en train de mener tout un travail à ce sujet avec les chasseurs adjudicataires ». Des aménagements cynégétiques tels la plantation de végétation autour des tiges d’un peuplement ou des trouées, réalisées lors de l’exploitation des frênes et laissées en place pour le gibier, doivent aussi contribuer à améliorer la situation.
Le chiffre 15 000 m³
En 2019, l’unité territoriale Sundgau de l’ONF a réalisé 60 000 m³ de récolte de bois dont 15 000 m³ de produits dépérissants, soit 10 000 de hêtre et 5 000 d’épicéa.
Jean-Philippe Hell, responsable de l’UT Sundgau de l’ONF
Jean-Philippe Hell est responsable de l’unité territoriale du Sundgau pour l’ONF depuis le 3 février dernier, succédant à Grégory Dez, parti occuper un poste de chef de service travaux à Vesoul. Originaire de Hirtzbach, Jean-Philippe Hell s’est porté candidat pour le poste sundgauvien car il souhaitait « revenir sur le terrain » et se déclare « très attaché » à la forêt mélangée sundgauvienne. Il était depuis 2016, chef de projet aménagement au service forêt de Mulhouse et a également occupé en parallèle la fonction de correspondant-observateur pour le département de la Santé des Forêts.
Jean-Philippe Hell est titulaire d’un brevet de technicien supérieur agricole « gestion forestière » obtenu à Mirecourt et d’une licence professionnelle « commercialisation des produits de la filière forestière » obtenue à Valence. De 2010 à 2016, il a été technicien forestier territorial dans le Territoire de Belfort sur le triage de Réchésy qui regroupe sept forêts communales pour une surface de 1 400 ha.
L’agence ONF de Mulhouse, sise à Didenheim, compte six unités territoriales dont celle du Sundgau qui compte 60 communes et environ 7 000 hectares de forêt. L’unité territoriale Sundgau s’étend de Didenheim à Pfetterhouse et de Jettingen à Dannemarie. Elle est notamment limitrophe avec les unités du Jura alsacien (secteur de Ferrette) et de la Doller (au-delà de Dannemarie).
L’UT Sundgau est divisée en huit triages et compte 7 techniciens (un poste est disponible) et un responsable, dont le bureau est situé au Quartier Plessier à Altkirch (bâtiment n°1).
July 04, 2020 at 10:00AM
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SUNDGAU. [Vidéo] Gérer les dépérissements de la forêt et assurer le renouvellement - L'Alsace.fr
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