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L'appel de la forêt - Le Temps

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Depuis hier soir, un petit groupe de citadins expérimente une première immersion de cinq jours dans les forêts jurassiennes. Avec un grand sac à dos bien rempli. Des habits chauds. Un couteau suisse. Une bâche. Une gamelle pour faire chauffer la soupe sur le feu. Une gourde. Un sac de couchage et un tapis de sol. Peut-être même de la crème solaire.

Lors d’un deuxième séjour, le sac diminuera de moitié. Et durant le troisième, les participants ne s’enfonceront dans les bois qu’avec leurs vêtements sur le dos. Plus rien ne sera apporté pour faciliter les gestes techniques et assurer le confort minimum. C’est dire la force de l’apprentissage d’autonomie dans la nature que propose Antonino Catalanotto par le biais des stages Survival-Projects.

Philosophie de la survie

Associée à l’école alémanique Survival Outdoor Schule (SOS), cette formation en trois temps visant à permettre aux élèves d’apprendre à vivre dehors est toujours complète. «On y enseigne des aspects pratiques et théoriques, par exemple des notions de chimie et de biologie liées au traitement de l’eau, des concepts d’architecture pour construire des abris. Mais aussi tout un savoir immatériel lié au rapport avec la nature, à la philosophie de la survie, pour favoriser le développement des cinq sens des chasseurs-cueilleurs», détaille l’enseignant, qui travaille comme psychothérapeute en parallèle.

La plupart de ses stagiaires ont entre 17 et 50 ans. Leurs aspirations très variées vont des fantasmes de forces spéciales aux rêves de hippies. «On sent qu'ils cherchent un ancrage à la terre. Beaucoup d’entre eux cultivent une image romancée de la nature, les stages leur permettent de se reconnecter à la fois avec le côté lumineux de cette dernière (la beauté, la vie, le bienêtre) mais également son côté sombre (tout ce qui vit finit par mourir)», ajoute-t-il. 

Dépassement de soi

Il existe un marché grandissant pour ce type d’expérience. Dans les sociétés contemporaines hyper-connectées, il va de pair avec l’élan d’une redécouverte du monde au-delà des écrans. «Le confort et l’urbanisation nous aliènent un peu. On est moins reliés à notre terre, quelque chose nous manque. La demande pour retrouver des racines sans les équipements technologiques qui rythment notre quotidien est forte. La preuve: chaque semaine, on voit une nouvelle offre d’initiation à la vie sauvage apparaître en Suisse. Le succès de l’écopsychologie est aussi un signe», analyse Antonino Catalanotto.

Sur nos blogs: Les forêts suisses meurent-elles cette année?

Au point que le tourisme s’intéresse désormais à cette dimension de développement personnel. «En pleine nature, toutes sortes de pratiques sont expérimentées par une clientèle avertie désireuse de tester des expéditions extrêmes, promesses de dépassement de soi et d’autonomie en milieu hostile, ou alors pour profiter d’un territoire aux capacités énergétiques éprouvées», confirme Ralph Lugon, enseignant et chercheur pour le compte de l’Observatoire valaisan du tourisme. Le Valais s’engage dans cette voie, à l’exemple d’Aletsch Arena, qui organise des séances de yoga sur les bords du glacier, des bains de forêt auprès des arolles centenaires et des balades dans des lieux à hautes vibrations énergétiques.

Gestes ancestraux

La plupart des formateurs de survie dans la nature sont eux-mêmes des adeptes de ce mode de vie. C’est le cas des Gens des bois, un groupe fondé par Kim Pasche qui travaille entre la Suisse, la France et le Canada, où il vit la moitié de l’année. Fasciné depuis l’enfance par les savoirs primitifs et le manque de racines dans les sociétés modernes, il s’est formé à l’archéologie et se considère comme un animateur de la préhistoire. Il s’isole la moitié du temps dans le Yukon, l’une des régions les plus reculées du monde, où il est trappeur grâce à une concession allouée de l’Etat et côtoie les peuples premiers de l’Alaska.

Lire également: Kim Pasche, orphelin du sauvage

En Suisse, il organise des immersions d’une semaine, voire plus, en itinérance nomade loin des habitations. «Les gestes ancestraux que j’enseigne pendant ces stages sont un prétexte. Ce qui compte, c’est de comprendre comment réactiver les savoirs ancestraux qui sont encore dans notre ADN, à savoir la vie de tribu primitive. Le but est de retrouver notre place dans la grande communauté du vivant, d’apprendre quelque chose que notre modernité ne sait pas trouver: comment les humains peuvent vivre de façon pérenne sur cette terre», développe l’animateur. Pour cela, il invite ses groupes à s’éloigner d’un mode de pensée analytique orienté technique et à se mettre en mode plus intuitif afin d’accueillir ce qui les entoure. «Cela permet une autre lecture de l’environnement et une connexion plus intense avec le monde sauvage», assure-t-il.

Insectes comestibles

Autre profil, Noé Thiel, un ancien agent de voyages qui a changé d’orientation pour suivre une formation d’accompagnateur de montagne puis de guide d’expéditions avec des chiens de traîneau en Islande. Il se considère aujourd’hui comme un organisateur de moments en nature par le biais de son agence A-Hike. Ses formats courts sont moins contraignants. Pendant deux jours et une nuit, il accompagne des groupes au cœur du parc Chasseral, dans le Jura bernois.

Au programme: petite marche d’approche, construction d’un abri, récolte de plantes sauvages pour confectionner les repas cuits sur un feu allumé sans allumettes, contes nocturnes. «On apprend à s’orienter, à trouver de l’eau, à fabriquer des objets utiles, à attraper des insectes comestibles. Par sécurité, j’emporte un minimum de réserves, type farine, riz, huile ou fruits secs, mais la plupart des repas sont composés de ce que l’on cueille», conclut-il.

Esprit des pionniers

Plus extrêmes que ces immersions guidées, des agences de voyages se spécialisent dans les expéditions en solo. Stanislas Gruau, ancien trader français, a lancé début 2018 Explora Project, spécialisée dans les week-ends de survie dans les Alpes et des séjours plus longs loin de la civilisation. Après une formation dispensée par l’agence, le client se lance seul sur des parcours testés par les experts d’Explora Project. Secret Planet et sa marque Expeditions Unlimited misent, de leurs côtés, sur les expériences encore plus poussées, dans l’esprit des pionniers. Elles requièrent un niveau physique très élevé, pour réaliser par exemple la traversée d’ouest en est du Groenland à skis en autonomie complète pendant trente-trois jours.

Autant d’occasions de sortir de sa zone de confort routinière pour se frotter à une dimension plus universelle de soi.


A-Hike, Expeditions Unlimited, Explora ProjectGens des boisSurvival Project




June 27, 2020 at 04:04PM
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